LES PARTICULARITÉS DES COPROPRIÉTÉS SOUS RÉGIME DE BAIL RÉEL SOLIDAIRE AVEC UN ORGANISME FONCIER SOLIDAIRE

LES PARTICULARITÉS DES COPROPRIÉTÉS SOUS RÉGIME DE BAIL RÉEL SOLIDAIRE AVEC UN ORGANISME FONCIER SOLIDAIRE

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1. Le Bail Réel Solidaire (BRS) et les Organismes Fonciers Solidaires (OFS) – Un Modèle Innovant

Le marché immobilier français, notamment dans les zones urbaines tendues, fait face à des défis croissants en matière d'accession à la propriété. Face à cette réalité, le Bail Réel Solidaire (BRS) est apparu comme un dispositif novateur, introduit par la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014 et renforcé par la loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) de 2018. Ce mécanisme vise à rendre le logement abordable pour les ménages aux ressources modestes, en leur permettant de devenir propriétaires de leur habitation à un prix maîtrisé.   

L'objectif fondamental du BRS est de lutter contre la spéculation foncière et l'inflation des prix immobiliers, garantissant ainsi des logements perpétuellement accessibles. Il s'inscrit pleinement dans les politiques publiques de l'habitat, contribuant à la mixité sociale et étant pris en compte dans le décompte des logements sociaux de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU).   

Le principe central du BRS réside dans la dissociation juridique et économique entre la propriété du terrain (le foncier) et celle des constructions (le bâti) qui y sont édifiées. Contrairement à l'acquisition immobilière classique, l'acquéreur en BRS n'achète que le logement, tandis que le terrain reste la propriété d'un Organisme Foncier Solidaire (OFS). Cette séparation permet une réduction significative du prix d'achat du logement, souvent de 15% à 40% par rapport au marché libre, puisque l'acquéreur n'a pas à supporter le coût du terrain.   

Cette approche représente une transformation fondamentale des modèles traditionnels de propriété. En effet, elle vise à assurer une pérennisation de l'abordabilité du logement. Le BRS n'est pas seulement un mécanisme d'aide ponctuelle à l'acquisition ; sa structure, notamment son caractère "rechargeable" et le contrôle exercé par l'OFS sur les reventes, garantit que l'avantage de prix est maintenu pour les acquéreurs successifs. Cette conception du dispositif en fait un véritable instrument de régulation du marché foncier et un levier pour la mixité sociale durable dans les zones urbaines.   

2. Cadre Juridique et Fonctionnement des OFS et BRS

2.1. Définition et agrément des Organismes Fonciers Solidaires (OFS)

Les Organismes Fonciers Solidaires (OFS) sont des entités clés du dispositif BRS. Il s'agit d'organismes à but non lucratif, ou, depuis la loi ELAN, à lucrativité limitée pour les organismes d'habitations à loyer modéré (OHLM) et les sociétés d'économie mixte (SEM) agréées pour l'habitat. Ils sont agréés et contrôlés par le Préfet de région.   

L'objet principal des OFS est d'acquérir des terrains sur lesquels des logements sont bâtis, afin que ces derniers restent perpétuellement abordables pour les ménages modestes. À titre subsidiaire, les OFS peuvent également favoriser la mixité fonctionnelle en réalisant ou faisant réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel (BRSA).   

Les OFS assurent le portage foncier sur le long terme, ce qui évite la dépendance à des propriétaires aux démarches trop capitalistiques et garantit la pérennité du montage solidaire. Ils sont chargés du quittancement de la redevance d'occupation du terrain auprès de chaque acquéreur et agréent les reventes en s'assurant du respect des clauses figurant dans le BRS. Dans certains cas, ils peuvent même racheter temporairement les logements, assumant ainsi une garantie de rachat au profit des acquéreurs.   

La nature non lucrative et la supervision étatique des OFS, ainsi que la possibilité pour les organismes HLM de devenir OFS , positionnent ces entités comme des acteurs centraux de la politique publique de l'habitat durable. Leur rôle va au-delà de la simple gestion foncière ; ils sont des instruments actifs de mise en œuvre des objectifs sociaux et urbains, assurant une gestion à long terme du parc de logements et contribuant à la résilience des territoires.   

2.2. Caractéristiques du Bail Réel Solidaire (BRS) : durée, redevance, rechargement

Le Bail Réel Solidaire est un contrat de longue durée, généralement établi pour une période comprise entre 18 et 99 ans. Il confère à l'accédant des droits réels sur le bâti, c'est-à-dire sur le logement lui-même, distincts de la propriété du sol.   

En contrepartie de la mise à disposition du terrain par l'OFS, l'accédant s'acquitte d'une redevance foncière mensuelle. Cette redevance est conçue pour être faible, son montant étant généralement compris entre 1 et 4 euros par mètre carré habitable et par mois, et elle est indexée sur l'Indice de Référence des Loyers (IRL).   

Une caractéristique fondamentale du BRS est son mécanisme de "rechargement". À chaque mutation du logement (vente ou succession), le bail est automatiquement prorogé pour une nouvelle période complète. Ce mécanisme garantit la pérennité du dispositif et le maintien du caractère abordable du logement sur le très long terme, assurant que les droits réels conférés au preneur ne sont pas temporaires et que la vocation sociale du bien est conservée de manière perpétuelle.   

2.3. Avantages pour l'accédant et conditions d'éligibilité

Le BRS offre des avantages significatifs pour les ménages éligibles, visant à faciliter leur accession à la propriété dans des conditions sécurisées.

  • Avantages financiers:

    • Prix d'achat nettement réduit: Grâce à la dissociation du foncier et du bâti, l'accédant réalise une économie de 15% à 40% sur le prix d'achat par rapport à une acquisition en pleine propriété sur le marché libre.   
    • Fiscalité avantageuse: Le BRS bénéficie d'une TVA réduite à 5,5% au lieu du taux habituel de 20%. De plus, les frais de notaire sont calculés uniquement sur la valeur du bâti, hors valeur du terrain. Certaines collectivités peuvent également accorder une exonération de taxe foncière, allant de 30% à 100%, pendant les 15 premières années.   
    • Facilités de financement: Les acquéreurs en BRS ont un accès privilégié à des prêts aidés par l'État, tels que le Prêt à Taux Zéro (PTZ), le Prêt Accession Sociale (PAS), et les prêts Action Logement. Le montant à emprunter étant moindre, cela facilite l'obtention d'un prêt bancaire.   
  • Protection et sécurisation:

    • Protection contre la spéculation: Le prix de revente du logement est encadré par l'OFS, ce qui supprime toute perspective de plus-value spéculative et garantit la conservation de la valeur du droit réel dans le patrimoine du preneur.   
    • Garantie de rachat et de relogement: Dans certains cas, le BRS peut inclure une garantie de rachat du logement par l'OFS et de relogement en cas d'accidents de la vie (chômage, invalidité, divorce, etc.). Cette garantie n'est pas systématique et dépend des conditions spécifiques de l'OFS et du promoteur.   
    • Transmission sécurisée: La transmission du logement aux héritiers est possible, sous des conditions sécurisées et avec l'agrément de l'OFS.   
    • Accompagnement: L'OFS assure un suivi et un accompagnement renforcé des acquéreurs tout au long du projet.   

Ces multiples avantages positionnent le BRS comme un outil de résilience économique pour les ménages modestes. En effet, en réduisant considérablement le coût initial de l'acquisition et en offrant des garanties contre les aléas du marché et de la vie, le dispositif permet aux ménages de constituer un capital dans un cadre sécurisé, sans les exposer aux risques de la spéculation immobilière. Cela transforme l'accession à la propriété en un parcours plus stable et prévisible, favorisant la stabilité financière à long terme.   

  • Conditions d'éligibilité:
    • Le logement acquis en BRS doit impérativement être utilisé comme résidence principale.   
    • Les revenus du ménage ne doivent pas dépasser des plafonds de ressources spécifiques, qui sont similaires à ceux applicables au logement social PLUS. Ces plafonds sont adaptés en fonction des zones géographiques (Zones Abis, A, B1, B2, C) et de la composition du foyer.   
    • Chaque OFS, en collaboration avec la collectivité locale, peut définir des critères de sélection complémentaires pour chaque opération.   

3. La Copropriété Classique : Rappel des Principes Fondamentaux

Pour appréhender pleinement les particularités des copropriétés sous BRS, il est essentiel de rappeler les principes fondamentaux qui régissent la copropriété classique en France.

3.1. Définition et organisation selon la loi du 10 juillet 1965

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est le texte législatif de référence qui fixe le statut de la copropriété des immeubles bâtis en France. Elle définit la copropriété comme tout immeuble bâti (ou groupe d'immeubles) dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots. Chaque lot est constitué de manière indissociable d'une partie privative (l'appartement, la cave, le garage, etc.) et d'une quote-part des parties communes (le terrain, les murs porteurs, le toit, les escaliers, les couloirs, etc.).   

L'administration de la copropriété est structurée autour de plusieurs organes :

  • Le syndicat des copropriétaires : C'est la personne morale qui regroupe l'ensemble des copropriétaires et qui a pour mission de gérer l'immeuble.
  • Le syndic : Il est le représentant légal du syndicat des copropriétaires, chargé de la gestion courante de l'immeuble, de l'exécution des décisions de l'assemblée générale, et de la tenue de la comptabilité.   
  • Le conseil syndical : Composé de copropriétaires élus, il assiste le syndic et contrôle sa gestion.
  • L'assemblée générale (AG) : C'est l'organe décisionnel suprême de la copropriété, où les copropriétaires se réunissent au moins une fois par an pour prendre les décisions relatives à la gestion et à l'entretien de l'immeuble, selon des règles de majorité spécifiques (majorité simple, absolue, ou double majorité).   

Le règlement de copropriété est un document contractuel fondamental qui organise la vie collective de l'immeuble. Il définit les droits et obligations des copropriétaires, l'usage des parties privatives et communes, la destination de l'immeuble, et les modalités de répartition des charges. Ce règlement est opposable à tous les copropriétaires et locataires.   

3.2. Droits et obligations du copropriétaire classique

Le statut de copropriétaire confère des droits et impose des obligations, qui sont intrinsèquement liés à la notion de pleine propriété et à la gestion collective de l'immeuble.

  • Droits du copropriétaire classique:

    • Droit de jouissance: Chaque copropriétaire dispose librement de ses parties privatives et des parties communes, à condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.   
    • Droit de vote en Assemblée Générale: Le copropriétaire dispose d'un nombre de voix correspondant à sa quote-part (tantièmes) dans les parties communes, lui permettant de participer activement aux décisions collectives. Il peut également déléguer son droit de vote.   
    • Droit à l'information: Le copropriétaire a le droit de consulter les documents relatifs à la gestion de la copropriété.   
    • Droit de contestation: Tout copropriétaire opposant ou défaillant peut contester une décision d'AG devant les tribunaux dans un délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal.   
    • Liberté de disposition: Le copropriétaire peut vendre, louer, ou transmettre son lot sans restriction majeure, sous réserve du respect du règlement de copropriété.   
  • Obligations du copropriétaire classique:

    • Contribution aux charges: Le copropriétaire est tenu de contribuer aux charges de copropriété (courantes, travaux, etc.) proportionnellement à sa quote-part.   
    • Entretien des parties privatives: Il doit entretenir et conserver ses parties privatives de manière à ne pas causer de dommages aux autres lots ou aux parties communes.   
    • Respect du règlement de copropriété: Il est impératif de respecter les dispositions du règlement de copropriété concernant l'usage des parties privatives et communes.   
    • Accès pour travaux collectifs: Le copropriétaire ne peut s'opposer à l'exécution de travaux d'intérêt collectif régulièrement décidés en AG, même si ces travaux affectent ses parties privatives, à condition qu'ils n'altèrent pas durablement la consistance ou la jouissance de ces parties.   
    • Assurance responsabilité civile: Il est obligatoire de souscrire une assurance responsabilité civile pour couvrir les risques liés à son lot.   

La pleine propriété, qui est le fondement de la gouvernance traditionnelle en copropriété, implique que le copropriétaire détient une part indivise du terrain et des parties communes, ce qui se traduit par un droit de vote proportionnel à ses tantièmes pour l'ensemble des décisions. Cette structure confère au copropriétaire un pouvoir de décision étendu sur l'immeuble dans son ensemble, y compris sur le foncier, et l'engage pleinement dans la gestion collective et les responsabilités financières qui en découlent.   

4. Les Spécificités de la Copropriété sous Régime de BRS

L'intégration du Bail Réel Solidaire dans le cadre d'une copropriété introduit des particularités juridiques et fonctionnelles significatives qui distinguent ce modèle de la copropriété classique.

4.1. Adaptation du statut de la copropriété à la dissociation foncier/bâti

La principale spécificité réside dans la dissociation de la propriété du foncier et du bâti. Dans une copropriété sous BRS, le terrain sur lequel est construit l'immeuble ne peut pas être qualifié de partie commune de la copropriété, car il demeure la propriété exclusive de l'Organisme Foncier Solidaire (OFS).   

Cette particularité a des implications directes sur la structure juridique de la copropriété. Le règlement de copropriété doit impérativement prévoir une clause spécifique qui définit le sol comme un lot à part entière, distinct des autres lots de copropriété, et appartenant à l'OFS. Cette disposition est essentielle pour formaliser juridiquement le "démembrement" de la propriété au sein de l'immeuble.   

La conclusion d'un BRS est légalement assimilée à une mutation. Cette assimilation a des conséquences importantes tant sur le statut de la copropriété que sur le plan fiscal (droits de mutation). Par ailleurs, le contrat de BRS doit explicitement mentionner que le titulaire des droits réels (le copropriétaire BRS) a eu préalablement connaissance du règlement de copropriété et de ses éventuelles modifications, ainsi que de l'état descriptif de division de l'immeuble. La loi ELAN a joué un rôle crucial en clarifiant cette articulation entre le BRS et le statut de la copropriété.   

4.2. Impact sur le règlement de copropriété

Le règlement de copropriété d'un immeuble sous régime BRS doit être spécifiquement adapté pour intégrer les particularités de ce dispositif. Il ne s'agit pas d'un simple ajout de clauses, mais d'une refonte nécessaire pour refléter la structure de propriété démembrée.

Ce règlement doit notamment détailler :

  • Le statut juridique du foncier en tant que lot distinct appartenant à l'OFS.
  • Les modalités d'occupation du terrain par les copropriétaires BRS, via la redevance foncière.
  • La répartition spécifique des droits de vote en assemblée générale entre l'OFS et les copropriétaires BRS, qui déroge aux règles classiques basées uniquement sur les tantièmes.
  • Les modalités de répartition des charges de copropriété, qui peuvent prévoir des arrangements particuliers pour certains travaux, permettant éventuellement au preneur de répercuter une partie du coût sur l'OFS si cela a été convenu lors de la fixation du prix du bâti.   

La complexité juridique de ce "démembrement" de propriété en copropriété est notable. L'exigence que le règlement de copropriété définisse le terrain comme un lot distinct appartenant à l'OFS, plutôt que comme une partie commune, est une innovation juridique majeure. Cette adaptation est fondamentale pour que le modèle BRS puisse s'insérer dans le cadre existant de la loi de 1965 sur la copropriété, tout en préservant la mission sociale et le contrôle de l'OFS sur le foncier. Elle implique que la rédaction de ces règlements nécessite une expertise juridique pointue pour éviter des ambiguïtés ou des conflits futurs, soulignant la nature sophistiquée de ce montage.   

5. Analyse Comparative des Rôles, Droits et Obligations en Copropriété

Pour une compréhension approfondie des spécificités du BRS en copropriété, le tableau comparatif suivant met en lumière les différences et similitudes entre un copropriétaire classique, un copropriétaire sous BRS, et l'Organisme Foncier Solidaire (OFS).

CaractéristiqueCopropriétaire ClassiqueCopropriétaire BRS (Preneur)Organisme Foncier Solidaire (OFS)
Nature de la propriétéPleine propriété du lot (privatif + quote-part foncier et parties communes).Propriété des droits réels sur le bâti (logement) uniquement. Locataire du foncier via le BRS.Pleine propriété du foncier (terrain) sur lequel le bâti est construit. Le foncier est un lot à part entière.
Coût d'acquisitionPrix du bâti + prix du foncier (marché libre).Prix du bâti uniquement (réduit de 15% à 40%).Coût d'acquisition du foncier (portage par l'OFS).
Charges de copropriétéDébiteur unique des charges courantes et exceptionnelles (travaux) selon tantièmes.Débiteur unique des charges courantes et exceptionnelles (travaux) selon tantièmes, même pour les décisions votées par l'OFS. Possibilité de répartition différente via le BRS pour certains travaux.Non débiteur des charges de copropriété du bâti. Peut contribuer à certains travaux si prévu dans le BRS.
Redevance foncièreAucune.Paiement d'une redevance mensuelle à l'OFS pour la jouissance du terrain (1-4 €/m²/mois).Perçoit la redevance foncière des copropriétaires BRS.
Taxe foncièreDue par le propriétaire.Due par le preneur. Possibilité d'abattement de 30% à 100% sur 15 ans selon la collectivité.Non concerné directement par la taxe foncière du bâti.
Droit de jouissanceJouissance libre de son lot (privatif et quote-part des communs).Jouissance libre de son logement (bâti), sous réserve du BRS et du règlement de copropriété. Droits sur le terrain limités.Propriétaire du foncier, gère sa mise à disposition.
Droit de vote en AG (général)Vote sur toutes les décisions selon tantièmes.Dispose du droit de vote pour toutes les décisions de l'AG, à l'exception de celles relevant du vote de l'OFS.Participe aux AG. Droit de vote exclusif sur certaines décisions fondamentales.
Droit de vote en AG (décisions spécifiques)Vote sur toutes les décisions, y compris acquisition/disposition immobilière, travaux de transformation/amélioration, modification du règlement de copropriété.Vote sur toutes les décisions, y compris acquisition/disposition immobilière, travaux de transformation/amélioration, modification du règlement de copropriété.Vote seul sur les décisions relevant des d) et n) de l'article 25 et des a) et b) de l'article 26 de la loi de 1965, et sur les modifications du règlement de copropriété.
Droit de contestation des AGPeut contester toute décision d'AG en tant qu'opposant ou défaillant.Peut contester toute décision d'AG en tant qu'opposant ou défaillant.Peut seul exercer les actions en contestation des AG pour lesquelles il conserve son droit de vote.
Revente du lotLibre, au prix du marché.Encadrée par l'OFS. Prix de revente plafonné (indexé, anti-spéculatif). L'acquéreur doit être éligible BRS. Nécessite l'agrément de l'OFS.Agrée les reventes et s'assure du respect des clauses du BRS. Peut accompagner ou racheter le logement en cas de difficulté de revente.
Transmission (héritage/donation)Libre.Possible mais encadrée. Nécessite l'agrément de l'OFS. L'héritier/donataire
doit répondre aux critères d'éligibilité ou vendre dans les 12 mois.
Agrée les transmissions et s'assure du respect des critères d'éligibilité.
Réalisation de travaux sur le lotLibre (dans les limites du RDC et des parties communes).Libre pour les aménagements intérieurs (dans les limites des normes de sécurité, règles architecturales). L'OFS peut apprécier la prise en compte des travaux dans la plus-value de revente.Non concerné par les travaux sur le bâti, sauf si impact sur le foncier ou si clause spécifique dans le BRS.
Garantie de rachat/relogementAucune.Peut bénéficier d'une garantie de rachat et de relogement par l'OFS dans certains cas (selon contrat et événements de vie).Peut s'engager à racheter le logement ou à aider au relogement sous certaines conditions.
Pérennité du dispositifPropriété classique, soumise aux fluctuations du marché.Le BRS est "rechargeable" à chaque mutation, assurant la pérennité des droits et l'abordabilité du logement sur le long terme.Assure la pérennité du modèle BRS en détenant le foncier et en encadrant les mutations.

6. Le Rôle de l'Organisme Foncier Solidaire (OFS) en Assemblée Générale de Copropriété

Le rôle de l'Organisme Foncier Solidaire en assemblée générale de copropriété est une particularité majeure du régime BRS, qui déroge aux règles classiques de la loi de 1965. L'OFS n'y participe pas à titre purement consultatif ; il détient des droits de vote spécifiques et déterminants.

6.1. Participation de l'OFS : statut consultatif ou droit de vote

Chacune des parties, c'est-à-dire le copropriétaire BRS (preneur) et l'OFS, peut assister aux assemblées générales des copropriétaires. Cependant, leurs droits de vote sont distinctement répartis en fonction de la nature de la propriété qu'ils détiennent. Le copropriétaire BRS dispose du droit de vote pour la majorité des décisions de l'assemblée générale.   

L'OFS, en tant que propriétaire du foncier, conserve un droit de vote exclusif sur certaines décisions fondamentales qui touchent à la structure de l'immeuble ou à la pérennité du modèle BRS.

6.2. Décisions pour lesquelles l'OFS détient le droit de vote exclusif

La loi ELAN a précisé la répartition des prérogatives entre le preneur et l'OFS en assemblée générale. L'OFS détient le droit de vote exclusif pour les décisions prises en application des alinéas d) et n) de l'article 25, et des alinéas a) et b) de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Il vote également seul pour les décisions concernant la modification du règlement de copropriété.   

Ces articles et alinéas couvrent des décisions majeures :

  • Article 25 d) : Concerne les travaux comportant transformation, addition ou amélioration.
  • Article 25 n) : Relatif à l'acquisition ou à la disposition de parties communes ou de droits réels immobiliers.
  • Article 26 a) et b) : Portent sur les modifications ou l'établissement du règlement de copropriété concernant la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes.

La conservation de ces droits de vote par l'OFS est essentielle pour la préservation de sa mission sociale et de sa propriété foncière. Cette répartition des pouvoirs de décision garantit que les aspects structuraux de l'immeuble, les modifications fondamentales des parties communes (y compris celles liées au foncier) et les évolutions du règlement de copropriété restent sous le contrôle de l'OFS. Ce mécanisme assure que le caractère abordable et solidaire du logement, ainsi que l'équilibre du montage financier et juridique, ne peuvent être remis en cause par des décisions de l'assemblée générale qui iraient à l'encontre des objectifs de l'OFS.

Cette différenciation des droits de vote met en lumière une gouvernance partagée mais hiérarchisée au sein des copropriétés BRS. Elle protège les intérêts à long terme de l'OFS en tant que garant de la vocation sociale du foncier, tout en laissant au copropriétaire BRS la gestion quotidienne de son bâti et des parties communes non liées aux décisions stratégiques.

6.3. Conséquences sur le droit de contestation des décisions d'AG

La répartition spécifique du droit de vote en assemblée générale a une conséquence directe sur le droit de contestation des décisions. L'OFS est la seule entité habilitée à exercer les actions en contestation des assemblées générales pour les décisions sur lesquelles il conserve son droit de vote exclusif.   

Par conséquent, lorsque le copropriétaire BRS ne vote pas sur une décision relevant du champ de compétence exclusif de l'OFS, le recours en contestation de cette décision ne lui est pas ouvert. Cette disposition renforce la prééminence de l'OFS sur les aspects fondamentaux de la copropriété qui touchent à sa mission et à la pérennité du dispositif.   

7. Implications Financières et Pratiques pour les Copropriétaires BRS

Au-delà des aspects juridiques et de gouvernance, le régime BRS a des implications financières et pratiques distinctes pour les copropriétaires.

7.1. Gestion des charges de copropriété et de la redevance foncière

Le copropriétaire BRS est le débiteur unique des charges de copropriété, y compris celles découlant de décisions pour lesquelles l'OFS a exercé son droit de vote exclusif. Cela signifie que même si l'OFS vote pour des travaux majeurs sur les parties communes (relevant des articles 25 ou 26 de la loi de 1965), c'est le copropriétaire BRS qui devra s'acquitter des appels de fonds correspondants.   

Toutefois, il est possible de prévoir dans le contrat de BRS d'autres modalités de répartition des charges, ce qui pourrait permettre au preneur de répercuter la charge de certains travaux sur l'OFS, notamment si le coût de ces travaux a été pris en compte lors de la fixation du prix initial du bâti.   

En plus des charges de copropriété classiques et de la taxe foncière (potentiellement réduite), le copropriétaire BRS doit s'acquitter de la redevance foncière mensuelle due à l'OFS. Cette redevance constitue une charge mensuelle supplémentaire à long terme, bien que modérée, couvrant le droit d'occupation du terrain et les coûts de gestion du foncier par l'OFS.   

7.2. Encadrement de la revente et de la plus-value

La revente d'un logement sous BRS est strictement encadrée pour garantir le caractère anti-spéculatif du dispositif. Le prix de revente est plafonné et ne permet pas la réalisation d'une plus-value significative liée à l'évolution du marché immobilier. Il est généralement indexé sur un indice défini par l'OFS (par exemple, l'indice du coût de la construction - ICC) et peut être ajusté pour tenir compte de la valeur des travaux réalisés entre l'acquisition et la vente, à la discrétion de l'OFS.   

Le futur acquéreur doit également répondre aux critères d'éligibilité du BRS (plafonds de ressources, résidence principale). L'OFS intervient dans le processus de revente en agréant le nouvel acquéreur et en s'assurant du respect des conditions du BRS. Si le copropriétaire BRS rencontre des difficultés à trouver un acquéreur éligible, l'OFS peut l'accompagner dans la recherche ou, dans certains cas, s'engager à racheter le logement dans les conditions prévues au bail.   

La transmission du logement par donation ou héritage est également possible, mais elle est soumise à l'agrément de l'OFS et l'héritier ou le donataire doit remplir les conditions d'éligibilité du BRS. À défaut, il devra vendre le bien à un ménage éligible dans un délai de 12 mois, faute de quoi l'OFS pourra le racheter.   

Cet encadrement de la revente et de la transmission souligne une particularité fondamentale du BRS : il s'agit d'un modèle d'accession à la propriété orienté vers l'usage et la fonction sociale du logement, plutôt que vers la spéculation ou la maximisation du capital. Le bénéfice pour l'accédant se matérialise par un coût d'acquisition initial réduit et une sécurisation du parcours résidentiel, en échange d'une limitation des gains potentiels à la revente.

7.3. Accompagnement par l'OFS

L'OFS ne se limite pas à la gestion du foncier et à l'encadrement des mutations. Il assure un accompagnement renforcé des acquéreurs tout au long du projet, depuis le conseil en financement jusqu'au suivi post-acquisition. Cet accompagnement vise à garantir la bonne appropriation du logement et à sécuriser juridiquement le parcours de l'accédant. L'OFS peut également conseiller sur les aspects financiers et les aides mobilisables.   

8. Conclusion: Enjeux et Perspectives du Modèle BRS en Copropriété

Le Bail Réel Solidaire, adossé à l'action des Organismes Fonciers Solidaires, représente une innovation juridique et sociale majeure dans le paysage immobilier français. En dissociant la propriété du foncier et du bâti, ce modèle offre une solution concrète pour rendre l'accession à la propriété accessible aux ménages modestes dans les zones tendues, tout en luttant efficacement contre la spéculation immobilière.

Les copropriétés sous régime BRS se distinguent fondamentalement des copropriétés classiques par une structure de propriété démembrée, où l'OFS détient le foncier en tant que lot distinct. Cette particularité entraîne des adaptations spécifiques du règlement de copropriété et une répartition des droits de vote en assemblée générale qui confère à l'OFS un rôle prépondérant sur les décisions stratégiques liées à la structure de l'immeuble et à la pérennité de sa vocation sociale.

Pour les copropriétaires BRS, les avantages financiers à l'acquisition sont significatifs (prix réduit, fiscalité allégée, accès aux prêts aidés). Cependant, ces bénéfices s'accompagnent de spécificités notables : le paiement d'une redevance foncière mensuelle, l'encadrement strict du prix de revente et des conditions de transmission, ainsi qu'une limitation de leur droit de contestation sur certaines décisions d'assemblée générale.

L'OFS agit comme un garant de la vocation sociale du logement sur le très long terme, assurant que l'abordabilité est maintenue pour les générations futures grâce au mécanisme de rechargement du BRS. Ce rôle actif de l'OFS, combinant gestion foncière, régulation des prix et accompagnement des ménages, le positionne comme un acteur essentiel de la politique de l'habitat durable.

SOURCEArticle L255-7-1 du Code de la construction et de l’habitation

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