L'OBLIGATION DE PRÉCISION DES SOMMES DUES PAR LE COPROPRIÉTAIRE : UN RAPPEL DE LA COUR DE CASSATION

L'OBLIGATION DE PRÉCISION DES SOMMES DUES PAR LE COPROPRIÉTAIRE : UN RAPPEL DE LA COUR DE CASSATION

ILLUSTRATION IA

Le 12 décembre 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt d'une importance majeure concernant l'obligation de précision dans la mise en demeure adressée à un copropriétaire pour le recouvrement des charges impayées. Cet avis, rendu dans le cadre d'une instance opposant le syndicat des copropriétaires d'un immeuble à la société Marabou, rappelle les exigences strictes imposées par l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.

Le contexte juridique et la question posée

La Cour de cassation a été saisie par le tribunal judiciaire de Marseille afin de répondre à la question suivante :

"La mise en demeure visée par l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 doit-elle distinguer les provisions dues au titre de l'article 14-1 de la même loi, des charges échues impayées des exercices antérieurs ?"

L'article 19-2 de cette loi prévoit qu'en cas de non-paiement d'une provision exigible au titre du budget prévisionnel ou des dépenses pour travaux, et après mise en demeure restée infructueuse pendant trente jours, toutes les autres provisions et sommes dues deviennent immédiatement exigibles.

Une obligation de précision renforcée

Dans son avis, la Cour de cassation souligne que la mise en demeure adressée au copropriétaire doit impérativement mentionner avec précision la nature et le montant des provisions réclamées. Cette exigence s'applique aux charges dues au titre du budget prévisionnel de l'exercice en cours ainsi qu'aux dépenses pour travaux non comprises dans ce budget.

Ainsi, un syndicat des copropriétaires qui souhaiterait engager une action en recouvrement en application de l'article 19-2 doit veiller à détailler les sommes réclamées. À défaut, la demande pourra être jugée irrecevable.

Les difficultés liées aux systèmes logiciels actuels

L'application stricte de cet avis peut poser des difficultés pratiques, notamment en raison des limites des systèmes logiciels de gestion de copropriété. Actuellement, de nombreux logiciels utilisés par les syndics ne détaillent pas systématiquement les sommes exigibles poste par poste. Ils fournissent souvent un récapitulatif global des montants dus, sans distinction claire entre les provisions en cours et les charges échues des exercices antérieurs.

Cette approche peut engendrer des erreurs dans les mises en demeure et entraîner des irrecevabilités en justice. Il est donc crucial que les éditeurs de logiciels adaptent leurs outils pour permettre une ventilation détaillée des créances, garantissant ainsi la conformité avec les exigences légales renforcées par cet avis de la Cour de cassation.

Les conséquences pratiques pour les copropriétés

Cet avis apporte une clarification essentielle pour la gestion des impayés en copropriété. Les syndics et syndicats des copropriétaires doivent donc veiller à :

  • Distinguer clairement les charges courantes impayées des exercices précédents des provisions exigibles au titre du budget prévisionnel en cours.

  • Fournir un détail précis des sommes réclamées dans la mise en demeure, sous peine de voir leur action en recouvrement rejetée.

  • S'assurer que leurs logiciels de gestion permettent cette distinction afin d'éviter toute erreur ou litige pouvant conduire à l'irrecevabilité de leur demande.

Cet arrêt de la cour de cassation constitue donc un rappel fondamental pour garantir la sécurité juridique des procédures de recouvrement et éviter toute contestation fondée sur un manque de clarté dans les mises en demeure.

SOURCE: Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 décembre 2024, 24-70.007

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